dimanche 8 décembre 2013

Casse-tête chinois : au bout du conte



Le statut de film générationnel est parfois cruel. Ayant parfaitement surfé sur le déferlement de la figure de l’éternel adolescent dans la fiction contemporaine, L’Auberge espagnole et Les poupées russes apparaissent aujourd’hui presque surannés tant cette thématique a depuis été battue, rebattue et re-rebattue jusqu’à l’écœurement. Quel sens peut-il y avoir alors à retrouver aujourd’hui ce cher Xavier, perdu de vue depuis si longtemps et dont l’enthousiasme naïf parait presque anachronique ? La nostalgie sans doute, puissant stimulant qui suffira à une génération de presque trentenaires à faire comme si 10 années ne s’étaient pas écoulées depuis la gare de Londres.
Si même lui a des gosses, alors c'est vraiment à la portée de n'importe qui

Je pourrais vous parler de Casse-tête chinois comme s’il était un film à part entière, indépendant de ses deux aînés, et analyser longuement ce qui ne va pas. Une introduction toujours aussi bavarde et radotant un peu sur le thème du « ma vie, c’est le bordel » qui faisait sourire il y a dix ans mais un peu moins maintenant. Un scénario peu aventureux ou tout semble assez attendu et une fin à ce point caricaturale que Cédric Klapisch croit nécessaire de la justifier auprès du public par l’intermédiaire de son héros.

Mais cela n’a au fond pas vraiment de sens. Car l’on va voir Casse-tête chinois parce que l’on a vu L’Auberge espagnole et Les poupées russes et que l’on se doute bien que l’on ne va pas nous servir un drame hitchcockien ou une méditation contemplative, et c’est d’ailleurs ce que l’on est venu voir en connaissance de cause. Mis à part son fond naïf et parfois un peu bavard, Casse-tête chinois est d’ailleurs probablement au niveau de ses prédécesseurs, fonctionnant intelligemment sur les mêmes recettes sans complètement tomber dans le piège du réchauffé.

Passé un début un peu poussif et nous faisant craindre de rester coincé pendant 2 heures dans l’adulescence un brin lassante de Xavier, Casse-tête chinois sait d’ailleurs s’élever quand la voix off laisse enfin la place au récit et au jeu de ses acteurs et prend même un peu de bouteille, comme le signale le subtil réarrangement du thème musical des Poupées russes en version hip-hop jazzy très contemporaine.

A l’image de cette trouvaille, Casse-tête chinois réussit ainsi à s’inscrire dans la lignée de ses prédécesseurs tout en captant un peu l’air du temps. Le choix de New York y est sans doute pour beaucoup et l’on appréciera d’ailleurs que Cédric Klapisch évite assez bien l’effet carte postale, son récit n’étant jamais colonisé par une mythologisation excessive du lieu, qui guette tout film français partant à la conquête de la Big Apple.

Casse-tête chinois semble aussi plus songeur que ses aînés, un peu plus mélancolique et un peu moins innocent, ce que l’on pouvait d’ailleurs déjà dire des Poupées russes par rapport à L’Auberge espagnole. Un phénomène de maturation mécanique compte tenu de l’avancée dans l’âge et dans la vie de son réalisateur et de son héros, renouvelant par  essence même l’état d’esprit et les sujets de préoccupation de ce dernier, la garde des enfants ayant remplacé les coups d’un soir.

Les recettes comiques restent elles à peu près les mêmes : des situations, du dialogue, de l’autodérision, une grosse dose d’identification pour le spectateur et beaucoup de Romain Duris, forcément. Rien de très aventureux mais rien de trop éculé non plus, ce mélange suffisant largement à fournir sa part de rires, donnés de bon cœur, ce qui revient quand même à remplir une bonne partie du contrat pour une comédie.

Quant au très théâtral happy end final, on ne peut pas dire qu’il surprenne grand monde mais on ne peut pas dire non plus qu’il vienne comme un cheveu sur la soupe, Cédric Klapsich nous vendant assez bien une fin qui clôture de façon tout à fait cohérente sa trilogie. Une conclusion soulignant d’ailleurs bien que son œuvre dépasse largement le cadre du cinéma car il est ici question de chacun de nous, assumant ainsi pleinement son statut générationnel. Evitant de verser dans le mélodrame comme il aurait pu le faire après trois films si pénétrés de sens existentiel, il offre au spectateur la possibilité de quitter Xavier le cœur léger, refermant son cycle sans nous prendre en otage avec la nostalgie des belles choses passées. 

Si cet optimisme résolu fonctionne certes un peu moins que par le passé, époque oblige, et ne lui assurera sans doute pas la même postérité que ses aînés, cela n’empêche pas Casse-tête chinois de tourner élégamment la page d’un cycle qui le méritait. Adieu donc Xavier et bon vent.

Maintenant si Cédric Klapisch décide de nous sortir un Capharnaüm à Jérusalem dans 10 ans, c’est autre chose.

Note : 7,5 (Barème notation)

Pour vous faire un avis par vous-même : la bande annonce



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