Testament d’une carrière désormais derrière lui, Le Vent se lève d’Hayao Miyazaki est un film à la virtuosité esthétique constante mais à l’intérêt
étrangement plus inégal, du moins lorsque l’on n’est pas spécialement amateur
de film d’animation comme c’est mon cas. Un travers qui n’empêche cela dit pas
l’œuvre d’Hayao Miyazaki de se clore superbement, rachetant ainsi en grande partie
deux heures pas toujours inoubliables.
Peu coutumier des films d’animation,
appellation selon moi uniquement créée pour permettre à des adultes d’aller
voir des dessins animés sans se sentir ridicules, j’ai longtemps eu peur que Le Vent se lève m’indiffère à peu près
autant qu’un banal Walt Disney, loin du chef d’œuvre promis par maintes
critiques pleurant la retraite de leur idole.
D’une beauté visuelle indéniable
et très joliment ponctué par un thème musical splendide, qui m’avait à lui seul
convaincu de me rendre en salle grâce à la bande annonce, Le Vent se lève m’a ainsi longtemps paru être un dessin animé
certes fichtrement bien foutu mais pas beaucoup plus intéressant qu’un dessin
animé justement. Gentillet mais bien caricatural voire simplet pendant une
grosse heure, Le Vent se lève me
semblait alors être à des années lumières du petit bijou de sensibilité auquel
je m’attendais plus ou moins, le peu de profondeur psychologique de l’ensemble rendant
difficile toute véritable émotion.
Ou alors j’étais donc un monstre
froid, incapable du moindre sentiment ou de la plus microscopique compassion. Soit,
il en était donc déjà fini de ma récente bonne résolution de m’ouvrir à l’inconnu et de
laisser mon cœur être pénétré de toute la beauté du monde. Il faut parfois se
résoudre à être ce que l’on est, et pas plus.
Au bout d’une heure et demie d’un
relatif ennui entrecoupé de quelques sourires et de quelques petits frissons
provoqués par la magnifique rengaine musicale ponctuant chaque moment clé de la
romance des deux jeunes héros du film je me retrouvais donc face à une triste
réalité : les films d’animation ne sont pas pour moi, et me voilà bien emmerdé
pour écrire une chronique avec ça.
Et soudain, alors que je n’attendais
à peu près plus rien de ce moment très anodin, Hayao Miyazaki sembla se souvenir
qu’il avait assez pris son temps et qu’il était temps de mettre enfin sa
virtuosité au service d’une noble cause pour clôturer en beauté une des œuvres les
plus remarquables du cinéma contemporain.
Le miracle advint alors. Convoquant
la touche dramatique et surtout humaine qui manquait jusque-là cruellement à son film, Hayao
Miyazaki fait en effet du final du Vent
se lève un vrai moment de poésie, d’une tristesse bouleversante de
simplicité et de beauté, toute en pudeur. Jusqu’ici relativement vaine, la
splendeur de ses images éclate alors complètement au grand jour et permet toujours
à l’aide d’une atmosphère musicale d’une élégance rare de donner au Vent se lève toute la profondeur auquel
il semblait aspirer dès ses débuts, avec la fameuse citation en français dans
le texte de la phrase de Paul Valéry « Le vent se lève ! … il
faut tenter de vivre ! ».
Longtemps un peu risible, cette
ambition philosophique prend ainsi tout son sens dans des derniers instants où
toutes les pièces du puzzle se mettent en place pour donner à ce final
des allures d’épitaphe artistique et philosophique pour Hayao Miyazaki. Libérée
de la trivialité enfantine qui l’a longtemps entravé, cette belle histoire d’amour
et d’obsession des cieux révèle enfin sa singulière beauté et son humaine complexité, permettant au vieux
maître de clore son œuvre sur une note de poésie déchirante d’émotion, d’une de
ces poésies sur lesquels il est difficile de mettre des mots tant elle semble
appartenir à un bien lointain ailleurs. Et le tour est finalement joué. C'était le dernier.
Fin.
Pour vous faire votre avis par vous-même : la bande annonce
A suivre : 12 Years A Slave
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